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  • Nuit de la saint sylvestre

Succédant au réveillon de Noël traditionnellement familial, cette nuit pourrait, ou plutôt devrait rester une fête joyeuse bien que plus extériorisée, des manifestants le plus souvent bruyants débordent sur la voie publique. Il est d’usage de faire preuve de tolérance.

Toute fête populaire s’arrose abondamment et les esprits s’échauffent rapidement. Les policiers doivent donc, souvent à contre-coeur, jouer les trouble-fête parce que tout ne peut pas être toléré. Avant 1968, les fêtards se contentaient de manifestations bruyantes vite dispersées à la vue du service d’ordre. Les émeutiers de mai et juin inventèrent un nouveau jeu qui devait faire école : la mise à sac des vitrines de magasins et l’incendie de véhicules au stationnement. il n’est pas rare, de nos jours, que les médias annoncent : « Nuit de la saint-sylvestre : calme sur l’ensemble du pays, seulement trois cent cinquante voitures brûlées pour toute la France ; cent de moins que l’année dernière ! » Merci, messieurs les casseurs. Je reste persuadé que si le slogan post-soixante-huitard “les casseurs seront les payeurs” avait pu être une réalité, on n’entendrait plus de telles énormités.

Revenons au septième, la nuit du 31 décembre 19…

Comme d’habitude, les Champs-elysées sont envahis par les noceurs. A part quelques poivrots ici et là, plusieurs malaises sans gravité soignés sur place ou dans les hôpitaux, la situation est normale. La presse a annoncé les mesures prises par les autorités, à savoir : tolérance jusqu’à une heure du matin, ce qui signifie pour les forces de maintien de l’ordre : intervention seulement sur instructions de l’etat-Major. Chacun sait que cet ordre ne sera donné qu’après évacuation des trois-quarts des Champs, lorsqu’il n’y restera plus que les irréductibles.

Comme prévu, c’est seulement aux alentours de deux heures qu’il faut faire évacuer les trublions et que commencent les incidents avec le service d’ordre.

Seul avec le chauffeur dans la 403, je remonte la rue de Grenelle pour rejoindre le central. A la hauteur du boulevard raspail : arrêt au feu rouge. Une voiture s’arrête à notre gauche, la vitre se baisse et un rigolard nous ayant identifiés, sort un clairon et nous joue une aubade. Nous lui faisons signe que l’heure de tolérance est largement dépassée et l’invitons à cesser ses démonstrations. Il redouble et nous envoie promener sans ménagement. J’ai l’imprudence de descendre pour l’interpeller ; lui aussi descend et son compagnon lui déplie fièrement un fauteuil roulant. Le public commence à entourer la 403. Nous ne sommes que deux, il ne fait pas bon insister. Je rembarque sous les huées. on dirait des supporters de footballeurs surexcités, décidés à nous faire un mauvais parti.

Un ivrogne commence à dégonfler le pneu arrière gauche, deux autres soulèvent la voiture pour la renverser. Le chauffeur, voyant la voiture soulevée à droite, ouvre la portière gauche pour faire un levier de blocage et emballe son moteur en première. La 403 retombe d’aplomb et démarre dans un crissement de pneus. Tous s’écartent en hurlant, le saboteur de roue se prend un tour qui lui foule le poignet. Nous arrivons indemnes au central. sans le sang-froid du chauffeur, que nous serait-il arrivé ?

Quelques trente minutes plus tard, l’invalide vient nous présenter ses excuses. Il n’avait pas pensé que son numéro entraînerait une telle réaction. Nous non plus. Ce blessé de guerre était logé boulevard des invalides où il existe des logements occcupés par des militaires sans famille. L’Hôtel des invalides avait été construit sous le règne de Louis XIV justement pour cet usage.

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